Immersion dans une âme malade : « Un homme sans volonté » de Marc Desaubliaux
Dans le septième livre de Marc Desaubliaux, édité chez « Des Auteurs Des Livres », les lecteurs retrouveront un récit fictif aux accents réalistes et même déstabilisants, tant ils semblent vrais. 262 pages qui se suivent avec fluidité, et qui s’inscrivent dignement dans la lignée des travaux d’un écrivain authentique et parfois brut. Mais c’est pourtant cette sincérité et cette inspiration, puisée directement dans la vie sans filtre que le public trouvera une force rare. Le site https://www.marc-desaubliaux.fr propose la lecture en format physique, au prix de 16 €.
En résulte un roman dramatique, que l’on doit à l’artiste Marc Desaubliaux. Né à Paris en 1953, celui-ci connait la capitale comme sa poche. Cela se ressent, grâce à une description poussée des rues, des quartiers et de certains privilégiés huppés. Avec une mémoire précise et une sélection soignée d’éléments, celui-ci parvient à créer un livre-peinture, où le lecteur visualise facilement l’image des personnages et des différents endroits. « Un homme sans volonté » suit le parcours tristement humain d’un éternel insatisfait. Poussé par la pression familiale de « devoir réussir », le personnage principal Louis Puissonier-Tavernier n’a rien d’héroïque. Pourquoi devrait-il l’être ? Dans cette bulle bourgeoise, ce jeune garçon semble éprouver de grandes difficultés à se trouver une place. Au-delà de la société, le problème est plus profond. Anxieux, tiraillé, jamais passionné, ce brouillon vivant incarne la procrastination et peut-être même cette dépression qui s’ignore, et qui passe pour de l’indécision aux yeux des autres.
En réalité, Marc Desaubliaux n’est pas à son premier coup d’essai. Déjà en 1979, l’auteur publiait le « Journal du désespoir », un carnet aux airs de journal intime, qui retrace les pensées sombres d’un adolescent. Qui suis-je ? Peut-être est-ce là la question la plus légitime. Quant à la réponse, celle-ci n’est jamais figée. Certaines thématiques chères au cœur de l’écrivain se retrouvent évidemment dans cet « homme sans volonté », qui peine à s’extirper de son mal-être.
L’œuvre de Marc Desaubliaux instaure un climat pesant, qui soulève également des sujets d’actualité, qui semblent difficiles à éviter, dont la spirale du vide chez les enfants, les adolescents, et qui se poursuit à l’âge adulte.
Dans un environnement bourgeois, le personnage de Louis est la cible parfaite pour porter de lourds bagages à ses épaules. Sous couvert d’une ambiance tendue, où l’on ne parvient pas à communiquer clairement et simplement, le protagoniste se sent éternellement exclu, mis à l’écart. Chaque compétence qu’il développe se voit flétrir, à la manière d’une plante qu’on aurait oublié d’arroser. Après tout, grâce aux moyens financiers de sa famille, Louis pourrait tout obtenir. Mais là où le matérialisme atteint le sommet, qu’en est-il du cœur et de l’esprit ? En vivant à travers les attentes et cet idéal des parents, le lecteur parvient difficilement à connaitre ce personnage. Au cours de ses relations et conversations, celui-ci semble plutôt en retrait, rarement en accord avec la tempête qui bouillonne en lui. Comment exprimer fidèlement ce climat chaotique qui l’habite et qui ne trouve jamais son calme ? Est-ce vraiment ce qu’il désire, après tout ?
L’humain est une espèce pleine de contradictions, Louis en est le digne représentant. Dans ce cocon pieux, il est guidé, façonné, mais stagne. Sans cesse blasé, il semble au plus près de ses objectifs. Et pourtant, la malédiction le poursuit, dès son enfance… Dans cette sphère particulière, le lecteur ressentira parfois un certain agacement face aux « caprices » de Louis. Après tout, il possède tout ce qu’une personne pourrait désirer. Un confort matérialiste évident, des conquêtes amoureuses comme Carole-Anne et Jeanne, ainsi que des opportunités rares. Existe-t-il pour autant un droit légitime, à celui d’être malheureux ? Finalement, chaque peine mérite d’être entendue et analysée. « Un homme sans volonté » est une fenêtre ouverte vers le quotidien désastreux et regrettable de certains d’entre nous, qui semblent otages d’une pièce de théâtre, où on nous oblige à jouer.
L’expérience de lecture qu’offre « Un homme sans volonté » appartient à la tradition des romans si particuliers qui ont façonné les classiques de la littérature française au XIXe siècle. Il souffle comme un air de Madame Bovary au masculin, où le personnage se heurte à l’ennui profond. Au cours de cette plongée en apnée dans la vie, Louis incarne bien l’idée qu’il n’a pas demandé à vivre ou venir au monde. Difficile de rester insensible à cette lecture, qui s’attaque à de nombreux tabous avec finesse. Sans chapitre et confinée dans cette découverte étouffante, la cible aura même l’impression d’être devenue le complice de Louis…
Zack SEMINET
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