Accéder au contenu principal

Füssli, entre rêve et fantastique/exposition

Le musée Jacquemart-André présente une exposition d’un peintre qui a consacré sa vie à faire voir…l’invisible ! Il s’agit de Johann Heinrich Füssli(1741-1825), né en Suisse mais anglais d’adoption. Il fut d’abord Pasteur, un piètre ecclésiastique qui s’attira quelques ennuis par les propos séditieux qu’il tenait au cours de ses offices. Défroqué, il entra en 1768 chez Joshua Reynolds, président de la Royal Academy, qui l’encouragea à s’orienter vers la peinture et le dessin. Travailleur acharné, prolifique, talentueux, il laissera une œuvre considérable. Attiré par les pensées intimes, le rêve, le mystérieux, le drame, le terrifiant, le morbide il tentera de les faire surgir dans des créations où s’exprimeront ses tortueux fantasmes.

           Le théâtre fut pour lui une source d’inspiration fertile. Pour coucher sur la toile les émotions qu’expriment les comédiens, il fréquenta assidument les théâtres londoniens, notamment ceux où l’on donnait les pièces de Shakespeare.  Il représenta de nombreuses scènes de Mc Beth.

Ici, le personnage vient de commettre un crime. Terrifié par son geste, il rapporte le poignard sanguinolent à son épouse, Lady Mc Beth. Dans une autre scène, cette dernière, lors d’une crise de somnambulisme, montre un visage tourmenté par l’effroi, hantée par les crimes commis par son époux.

Une toile inspirée par Romeo et Juliette exprime la passion romantique que partagent ces deux jeunes gens. Une mention spéciale pour Hamlet qui a fait l’objet de très nombreux tableaux. On voit ici le Prince du Danemark épouvanté par l’apparition du spectre de son père qui lui demande de le venger de son assassinat, œuvre de Claudius, son autre fils . Le monde des songes attira Füssli dès ses débuts en peinture. Une toile de dimension  modeste intitulée Le Cauchemar, présentée à une exposition organisée par la Royal Academy, subjugua les visiteurs. On y voit une femme d’une blancheur extrême, le corps abandonné, endormie, à moitié hors du lit avec, accroupi sur son ventre, un affreux petit monstre semblant guetter les alentours alors que la tête d’un cheval, surgie des rideaux, fixe l’incube de ses yeux exorbités.

Dans le Rêve du Berger, des personnages entourant  un ensemble de choses indéfinissables forment une ronde au-dessus d’un berger endormi, lui-même entouré d’inquiétants petits êtres imaginaires. Aller du monde des songes au monde des fées, il n’y a qu’un pas. Mais ici c’est un monde encore plus angoissant ! La Fée des songes, Mab, jette un sort maléfique sur une jeune femme endormie, alors que des créatures batifolent sur la desserte où la belle a déposé ses bijoux . Un personnage extrait du folklore anglais, Puck, un diablotin aux ailes de chauve-souris et au visage inquiétant d’homme cruel, ricanant pour le mauvais tour qu’il vient de jouer à quelqu’un, perturbe tout ce qui se trouve à ses pieds, fées, personnages et animaux .

             Les mythes antiques et la Bible, résurgence de son passé de Pasteur, furent des arguments pour un temps explorés par l’artiste. Dans Achille saisit l’ombre du Patrocle, la sculpturale anatomie du sujet fait référence aux statues antiques et à l’œuvre de Michel-Ange, sculpteur et peintre de thèmes bibliques. Il ne pouvait pas passer à côté du thème de la Création. Dans la Création d’Eve , la première femme, née de la côte d’Adam, tend les bras vers Dieu, Créateur du ciel et de la terre.

             Füssli fut passionné par les femmes, qu’elles soient mères, amantes ou prostituées. Il les représente souvent dominatrices face à l’homme asservi. L’érotisme chez Füssli peut prendre des tournures inquiétantes, parfois macabres, pouvant aller jusqu’au délire comme dans son interprétation de La Mort de Didon .Celle-ci vient de se donner la mort après qu’Enée lui eut appris qu’il abandonnait Carthage, la ville dont elle est reine. Füssli donne ici libre cours à son imagination sadomasochiste en représentant Didon les bras en croix, offerte, la poitrine dénudée, prête aux délices de la souffrance qui la conduira à l’extase.

L’œuvre de cet homme, passionnant par sa folie créatrice, compte plus de deux cents tableaux et des centaines de dessins. Remarquable par ses qualités picturales mais atypique par ses thèmes, son travail fut diversement accueilli . Admiré par quelques intellectuels mais honni par beaucoup, l’artiste fut de son vivant relativement peu connu du grand public.

 Nous devons cette surprenante exposition aux Commissaires Christophe Baker, Directeur des départements d’art européens et écossais et des portraits aux National Galeries d’Ecosse, Andreas Meyer, Titulaire de la chaire d’Histoire de l’art des débuts de la période moderne, à l’Université de Bâle et Pierre Curie, Conservateur général du patrimoine. Musée Jacquemart-André, 158, boulevard Haussmann. Ouvert tous les jours jusqu’au 23 janvier 2023 de10 h à 18 h, nocturnes les lundis, fermeture à 20h30. Téléphone +33(0) 1 45 62 11 59.

Christian de Rouffignac Rédacteur  et Léa Berroche, Directrice du magazine Arts Culture Evasions.

Catégories

Expositions

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :